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Pierre Calame : Quatre propositions pour éviter que la COP21 ne soit un échec

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Quatre propositions pour éviter que la COP21 ne soit un échec

Pierre Calame

Mots clés thématiques : consommation d’énergie ; Rôle des villes et des territoires ; Droit international de la responsabilité ; Filières durables ; commerce international ; Déclaration universelle des responsabilités humaines ; Transition énergétique ; Gouvernance multiniveaux

Mots clés géographiques : Europe ; Chine ; Inde ; Brésil

Mots-clés acteurs : Villes ; État

Réf. : intranetfph/bip/4755, G4b_[D4p_D3d] – La gouvernance mondiale et le droit international de l’environnement

Les propositions qui suivent reposent sur six constats :

1. La consommation d’énergie par famille et l’impact du coût de l’énergie sur le budget des familles varie dans les proportions considérables avec le revenu des familles. Les 20 % de ménages modestes dépensent en proportion de leur revenu près de trois fois plus pour l’énergie que les 20 % les plus riches. Par contre, la consommation d’énergie par famille et par personne évolue considérablement selon le revenu des familles et leur mode de vie. L’amplitude est de 1 à 9 entre les familles qui, par nécessité économique ou par choix, veillent à réduire leur consommation énergétique et les classes aisées qui mettent à profit l’absence de contraintes économiques pour dépenser une énergie considérable, notamment dans les transports.

2. L’importation d’énergie représente à elle seule 88 % du déficit commercial de la France.

3. « L’énergie grise », c’est-à-dire l’énergie incorporée dans les produits importés représente au total plus du tiers de la consommation totale d’énergie des ménages ; sans action sur cette énergie incorporée dans nos consommations, toute action visant à renchérir l’énergie directement utilisée en France a pour effet mécanique de pousser à la délocalisation des productions et à accroître le déficit commercial de la France.

4. Dans les négociations globales relatives à l’effet de serre, la position des grands pays émergents est cruciale. Leur consommation totale d’énergie par habitant reste très inférieure à celle des pays développés et ils ont toutes raisons de faire valoir dans les négociations la « dette écologique » des pays développés, en prenant en compte l’ensemble des contributions historiques à l’effet de serre. Sans pression des opinions publiques, notamment chinoises brésilienne et américaine sur les gouvernements, il n’y a aucune raison que les négociations internationales se débloquent. Le principe des « responsabilités communes mais différenciées », énoncé lors du Sommet de la terre de 1992 continuera à fonder le blocage, les grands pays émergents faisant valoir leurs besoins de rattrapage et les Etats-Unis considérant que leurs efforts ne serviraient à rien si les grands pays émergents ne s’engagent pas à limiter leur émission.

5. Le rôle des villes et des territoires est décisif dans l’évolution de tout ce qui induit un mode de vie non soutenable : organisation de la mobilité ; évolution des modes de vie ; transport et logement ; évolution des filières de production et de distribution. Les réseaux de villes se développent et créent les conditions d’un dialogue international autour du défi commun, le rôle des villes dans la transition vers des sociétés durables, sans être « plombé » par la logique traditionnelle des diplomaties, consistant à commencer par définir de présumés « intérêts nationaux » qui s’affrontent ensuite entre eux. C’est également à travers les villes que peut se construire un dialogue « de société à société » centré plus sur les défis communs à relever que sur les rapports de force et la confrontation des intérêts nationaux. C’est à partir de dialogues territoriaux que les opinions publiques peuvent progressivement se rejoindre par dessus la tête des diplomaties.

6. Le droit international est incapable aujourd’hui de réguler les interdépendances, faute d’un droit international de la responsabilité permettant d’imputer aux différents acteurs publics et privés leur impact sur le reste du monde.

Ces constats permettent de comprendre pourquoi la taxe énergie climat est une mauvaise réponse à une vraie question parce qu’elle n’est pas en mesure de faire évoluer le comportement des ménages les plus aisés tout en rendant nécessaire de restituer le produit de la taxe aux ménages déjà précarisés par la hausse des prix énergétiques et parce qu’elle accroît de façon tendancielle notre déficit commercial faute de frapper également l’énergie grise dissimulée dans les produits importés. Ils expliquent aussi pourquoi, dans le cadre des négociations traditionnelles d’Etat à Etat il est pratiquement impossible de sortir du blocage global des négociations internationales, même si l’on peut essayer de sauver la face par les faux semblants de progrès illusoires, dont la déclaration adoptée à Rio + 20 est un magnifique exemple.

Propositions

1. Reformuler le débat international en partant de l’idée de quotas nationaux, territoriaux et individuels négociables équivalents à la création d’une « monnaie carbone ». C’est une démarche faisable et qui suscite de plus en plus d’intérêt (voir le récent rapport du Ministère de l’Ecologie « Repenser les villes de la société post carbone » page 256). Sa mise en œuvre débouche instantanément sur l’obligation de faire une évaluation consolidée des consommations énergétiques tout au long des filières de production et de consommation et de mettre les filières durables au centre des négociations du commerce international. Les experts de l’OMC ont reconnu que ce ne serait pas contraire aux règles de concurrence. Les quotas carbone sont à la fois les seuls de nature à fixer la feuille de route pour parvenir en 2050 au facteur 4 et les seuls à contribuer à un rééquilibrage du commerce extérieur en pénalisant les filières longues d’importation ayant recours à des procédés de production énergivores.

2. Prendre l’initiative d’un débat international sur l’adoption d’une Déclaration universelle des responsabilités humaines, base d’un droit international permettant de sanctionner les acteurs internationaux et leurs dirigeants en cas d’impact négatif de leurs actes sur les sociétés et sur la planète (voir la proposition de la Commission britannique de contrôle des banques, proposant que les dirigeants des institutions financières puissent être personnellement condamnés lorsque leurs actes irresponsables -et pas pour autant illégaux- ont eu un lourd impact sur la société).

3. Proposer une politique mondiale mettant les villes et territoires au centre de la transition énergétique en définissant sur la base du principe de subsidiarité active les règles d’une gouvernance à multi-niveaux. En particulier, d’ici à 2015 encourager vigoureusement le dialogue entre villes européennes, villes chinoises, villes américaines, villes brésiliennes et villes indiennes, en lui donnant un fort retentissement médiatique pour construire les bases d’une opinion publique adossée à la blogosphère, permettant en priorité aux classes moyennes urbaines, les plus influentes dans ces différents pays, de peser sur leur gouvernement en sortant de l’inefficacité et des modes actuels de représentations présumés de la société à l’ONU par le biais de « major groups » instrumentalisés par le système onusien, et de l’action marginalisée d’associations de défense de l’environnement assimilées dans les négociations à un lobby comme un autre.

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