La responsabilité comme projet - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

La responsabilité comme projet

Réflexions sur une responsabilité juridique « prospective »

Auteurs : Guido Gorgoni, Università degli Studi di Padova

Date : 21-05-2009

Extrait de «  (paru dans Christoph Eberhard, Traduire nos responsabilités planétaires. Recomposer nos paysags juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2008, 756 p (131-146)) »

Comment prendre en compte les effets à long terme de nos actions, en inscrivant dans nos agendas le souci de sauvegarde des générations futures ? Comme on le sait, cette problématique a suscité la révision de l’idée éthique de responsabilité et l’affirmation, par Hans Jonas (1998), du « principe responsabilité » en tant que principe éthique qui doit régir « l’agir technologique ». Le débat sur les droits que les générations futures pourraient opposer à la génération présente est ouvert : la question des responsabilités éthiques pourrait ainsi se traduire juridiquement dans le langage familier des droits et des obligations. L’affirmation de l’existence de « droits » des générations futures est la traduction juridique des soucis éthiques contemporains de protection de la vie future. Une série d’objections peut être adressée à l’idée que les générations futures ou l’environnement puissent se prévaloir de « droits » envers la génération présente. Ils devraient en effet être représentés par la génération présente, ce qui n’est pas un contresens en termes juridiques (la représentation des personnes physiques et juridiques – et même celle des personnes non encore existantes – étant bien connue), mais plutôt une question de conflit d’intérêts. Se pourrait-il que le langage des droits ait atteint ses limites ?

La question de nos responsabilités envers le futur paraît trop complexe pour être traduite en une énumération de droits et obligations et sans impliquer en même temps une réflexion complémentaire sur le statut juridique de nos responsabilités : « la notion de responsabilité que cela suggère n’est pas orientée sur l’imputation : elle ne sert pas tant à identifier après coup l’auteur d’une action, qu’à déterminer ce qui est à faire au service d’une “chose qui revendique mon agir” » (Visser’t Hooft 1991 : 46). D’emblée, parler de « responsabilité prospective » en droit peut sembler contradictoire : car la responsabilité – surtout dans le domaine juridique – n’est-elle pas éminemment tournée vers le passé ? N’est-ce pas après coup que le droit nous convoque pour nous rendre responsables ? Quelle place y a-t-il dans le domaine juridique pour des modèles de responsabilité orientés vers le futur ? D’autres catégories juridiques semblent être plus pertinentes pour donner substance à cette idée prospective de responsabilité, notamment celle d’obligation : en ce sens, être responsables au sens prospectif ne serait autre chose qu’être titulaire de certaines obligations. Cependant, nous essayerons de montrer que l’idée de responsabilité peut avoir une orientation prospective non seulement dans sa signification éthique, mais également dans sa déclinaison juridique.

Le document en différentes langues