Le jugement de Dieu et la formation des cultures judiciaires occidentales - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

Le jugement de Dieu et la formation des cultures judiciaires occidentales

Auteurs : Robert Jacob, Directeur de Recherche CNRS, Paris

La communication reprend en synthèse le contenu d’une série de travaux relatifs à l’histoire des rituels judiciaires, des représentations et du théâtre de la justice, qui ont tous pour objet de montrer à quel point l’idée de justice divine a donné structure aux cultures occidentales. Le haut Moyen Age européen a exalté l’idée d’un jugement de Dieu que l’on peut appeler « objectif », en ce que la christianisation des ordalies a imposé la croyance en la possibilité de matérialiser la justice divine par le rite et de l’instrumentaliser, à travers le miracle judiciaire, pour en faire le ressort du jugement. Mais, à partir du XIIe siècle, la disparition des ordalies fait de la subjectivité des hommes l’agent du jugement. C’est à ce moment que se dessine la fracture entre deux grands systèmes: 1) la culture de common law, dans laquelle le verdict du jury se substitue de manière quasi mécanique à l’ordalie, ce qui détermine l’irruption d’un couple juge/jury où la fonction du premier demeure rivée à la préparation de l’intervention éventuelle du second; 2) les systèmes d’Europe continentale (civil law), imprégnés par le modèle ecclésiastique, où le juge assume seul les deux fonctions de dire la norme et de dire le vrai. Mais l’un et l’autre système conservent de leurs origines des traits communs: a) le principe selon lequel le prince chrétien, et à sa suite l’Etat occidental, contracte une dette de justice à l’égard de ses sujets; b) une éthique judiciaire fondée en dernière analyse sur l’idée que la justice humaine est une imitation de la justice divine; c) la conception d’une nécessaire autonomie du juge à l’égard du pouvoir politique, fondée sur la supériorité du lien qui soumet sa conscience à Dieu à l’égard de la fidélité qu’il doit à son chef politique.

Sur tous ces points, le contraste avec la culture judiciaire chinoise, dont l’idée de justice divine a toujours été remarquablement absente, est saisissant. La communication devrait déboucher sur une comparaison, en particulier sur la question de la construction de l’éthique judiciaire. Là où le juge occidental est placé dans une position de « vice-Dieu » qui lui confère une supériorité absolue à l’égard des parties, le « vitalisme » de la justice chinoise que décrivent les travaux de Jérôme Bourgon invite le juge chinois à se rapprocher d’elles pour fluidifier le lien entre le pouvoir et les sujets.

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