Lois foncières, minerais et développement : La nécessité de réformes legislatives - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

Lois foncières, minerais et développement : La nécessité de réformes legislatives

Auteurs : D. Parthasarathy

Date : 2007

Extrait de «  Article extrait de Law, Land Use and the Environment. Afro-Indian Dialogues, Christoph Eberhard (dir.) »

Publié par Editions de l’Institut Français de Pondichéry

Les débats sur les réformes législatives en Inde et sur le pluralisme juridique portant sur le rôle du droit pour le développement durable et la réduction de la pauvreté se sont, pour la plupart, focalisés sur les ressources naturelles telles que la terre, l’eau et les forêts. Malgré le fait que des millions de pauvres en Inde (et ailleurs) vivent de l’exploitation minière et de la transformation de minerais majeurs et mineurs, ce champ a été négligé autant par les chercheurs que par les activistes. La libéralisation économique en Inde a résulté dans la libéralisation des lois sur les minerais et l’exploitation minière au détriment de l’intérêt du grand nombre de pauvres travaillant dans ce secteur. Elle est justifiée par la croissance économique et par le besoin en minerais pour les besoins infrastructurels croissants, la consommation et les exports. Mais, il existe de nombreuses communautés qui se sont traditionnellement occupées d’exploitation minière et qui ne sont ni protégées par le cadre juridique existant, ni par celui qui émerge. Pour la majorité de la période post-indépendance, les besoins en minerais pour la construction de la Nation (nation-building) ont été pris en charge par des entreprises nationales d’exploitation minière. Une grande partie des ressources minières indiennes est localisée dans des zones forestières habités par les populations indigènes, adivasi, ou dans des zones rurales qui dépendent largement de l’agriculture comme source principale de revenu. La puissance coloniale britannique qui a reconnu le potentiel de la richesse indienne en minerais, a promulgué des lois pour se les approprier. Les gouvernements postcoloniaux ont continué cette politique d’appropriation et de monopolisation des ressources minières à travers une exploitation par des entreprises nationales. Ceci a mené à de nombreux déplacements de populations, qu’elles soient adivasi, ou qu’ils s’agissent d’autres sections de populations pauvres rurales vivant dans des espaces riches en minerais.

Cette contribution présente les petites activités minières informelles en Inde d’un point de vue juridique. Elle appelle à la mise en place d’une nouvelle approche juridique qui protégerait les intérêts des pauvres qui dépendent de l’exploitation minière et des minerais pour leur survie. Les mouvements sociaux et les organisations non gouvernementales indiennes qui luttent pour les droits des personnes déplacées – et plus particulièrement des adivasi – ont ignoré les traditions minières indigènes ainsi que le phénomène de dépendance de larges sections pauvres de la population de l’exploitation minière artisanale à petit échelle qu’elle soit légale ou illégale. L’exploitation minière est largement perçue en termes d’impact négatif sur les gens et l’environnement. Il évoque l’image de la destruction de l’environnement et des économies de subsistance. Ces perceptions se fondent sur les effets négatifs de l’exploitation minière intensive et à grande échelle sous contrôle gouvernemental. Mais les traditions indigènes ne sont pas étudiées par les chercheurs.

Il y a dix ans, un jugement de la Cour Suprême indienne a ouvert une fenêtre sur cette problématique lorsqu’elle chercha à concilier la prévention de l’aliénation de terres adivasi dans les localités riches en minerais et l’argument de nation-building en proposant que les adivasi pourraient exploiter eux-mêmes les minerais, que ce soit sur une base individuelle ou à travers des sociétés coopératives qui recevraient un soutien financier de l’État. Cette contribution bâtit sur cette décision en proposant de traiter les droits sur les ressources autrement que des droit de « propriété » (property) – une approche qu’on retrouve d’ailleurs dans le droit traditionnel de nombreuses sociétés. En Inde, on en voit d’ailleurs une application de fait dans le secteur minier où les licences de prospection et d’exploitation sont donnés en leasing. Les droits de « propriété » (property) demeurent dans la main de l’État, alors que les ressources peuvent être exploitées par des agents non-étatiques incluant des individus et des entreprises. Il est donc tout à fait possible, théoriquement et juridiquement, de transférer des droits sur des ressources et sur leur exploitation aux populations qui habitent traditionnellement les forêts riches en minerais. On doit souligner cet argument dans les débats sur des réformes législatives qui visent à protéger les intérêts tribaux dans des lieux où il y a abondance de minerais.

Les stratégies et mécanismes juridiques visant à protéger les intérêts des pauvres tout autant que les politiques économiques néo-libérales ignorent certaines questions clefs liés à l’accès et au contrôle des ressources par les pauvres. Ceci s’explique principalement par la manière dont les ressources sont définies théoriquement et juridiquement et par la manière dont les droits sont définis et mis en œuvre. Si traditionnellement des lois ont exclu certaines sections de la population de l’accès aux ressources naturelles, les nouvelles lois dont le but est de rendre les droits aux marginalisés et de leur rendre une capacité d’agir (empowerment) se révèlent tout aussi coupables de leur exclusion par essentialisme.

La pluralisation des cadres juridiques, induite par la globalisation, permettrait peut-être de s’acheminer vers des approches innovatrices aptes à concilier les besoins souvent contradictoires entre le « développement national » et les préoccupations des populations tribales et des autres populations marginalisées vivant sur des territoires riches en ressources naturelles. Si le passage du gouvernement à la gouvernance, tel qu’il est promu dans leur agenda de « bonne gouvernance » par un ensemble d’agences de développement nationales autant qu’internationales, est problématique quant à son contenu idéologique, il ouvre une fenêtre permettant d’avancer des mesures qui peuvent accroitre la participation authentique des adivasi dans les processus de développement et de gouvernance des ressources naturelles.

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