La pratique illégale d’agriculture dans les étangs-réservoirs : Une approche du pluralisme juridique à travres les récit des acteurs - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

La pratique illégale d’agriculture dans les étangs-réservoirs : Une approche du pluralisme juridique à travres les récit des acteurs

Auteurs : P. Ignatius Prabhakar

Date : 2007

Extrait de «  Article extrait de Law, Land Use and the Environment. Afro-Indian Dialogues, Christoph Eberhard (dir.) »

Publié par Editions de l’Institut Français de Pondichéry

Cette contribution explore l’agriculture illégale dans les étangs-réservoirs servant à l’irrigation au Sud de l’Inde et plus particulièrement dans deux districts de l’état du Tamil Nadu et Mahe et Yanam, et de deux districts du Union Territory de Pondicherry, Pondicherry et Karaikal. Les étangs-réservoirs sont des structures physiques qui ont été bâties il y a quelques siècles afin de collecter de l’eau durant la période de mousson. L’eau est ensuite utilisée pour l’irrigation des cultures. Mais l’eau des étangs-réservoirs sert aussi pour l’élevage, la pisciculture et pour les besoins domestiques des communautés locales.

L’empiétement des populations locales sur ces étangs-réservoir, bien qu’illégal et constituant une menace à l’existence de telles réserves d’eau, est néanmoins largement répandu et il perçu comme une « infraction légitime ». Pour l’instant, les chercheurs en sciences sociales ont délaissé l’analyse de ce phénomène et cette contribution vise à remédier à cette absence de réflexion. Après une brève présentation des villages étudiés, le texte présente les pratiques de culture dans les étangs-réservoirs et les perceptions que portent sur elles les divers acteurs impliqués, qu’ils s’agissent de cultivateurs illégaux, ou d’autres membres du village ou de l’administration, en s’appuyant surtout sur leurs récits.

Le droit étatique ne semble exister que sur le papier et ne fait pas preuve d’une efficacité réelle. Son application semble se limiter à la collecte occasionnelle d’amendes qui sont perçus par certains des exploitants illégaux comme des taxes d’exploitation … Le système de contrôle local (« informel ») n’a lui non plus aucune efficacité réelle. Bien que les acteurs soient, pour la grande majorité, conscients de l’illégalité de la pratique et qu’ils la condamnent même moralement, elle reste largement reconnue sur le terrain et donne lieu à un véritable droit de la pratique pour réguler l’accès aux terres situées dans les étangs-réservoirs, leur partage, leur exploitation … Tout le monde s’accorde sur le fait que seule une intervention forte et déterminée de l’État pourrait changer la situation, toutes les oppositions et sanctions inscrites dans le contexte socio-politique local étant défaillantes.

Les récits des acteurs mettent en lumière la diversité des pratiques qui constituent la phénomène « d’empiètement » des étangs-réservoirs : l’accès à la « propriété illégale », la « vente » et la « location » des terres, le détournement de l’eau pour l’exploitation, l’exclusion des sections les plus défavorisés qui auraient besoin des terres pour leur survie au profit des plus puissants pour qui cette culture illégale représente un surplus de revenus, le mépris du droit étatique et des coutumes locales … Quand on demande aux acteurs de se prononcer sur ces nombreuses activités constitutives de l’empiètement illégal des étangs-réservoirs, ils les stigmatisent majoritairement comme illégales voire comme immorales, même lorsqu’ils les pratiquent eux-mêmes depuis des décennies. Il est intéressant de noter qu’une multitude de pratiques à « petite échelle » illégales et stigmatisées comme immorales forment néanmoins dans leur ensemble une pratique d’empiètement des étangs-réservoirs qui semble jouir d’une légitimité certaine puisqu’il n’est véritablement remis en cause par personne.

Actuellement la situation se complexifie davantage à travers la création d’associations d’usagers d’eau qui sont promus par le gouvernement et les organismes non gouvernementaux dans une optique de bonne gouvernance et de développement participatif. L’objectif affiché de transférer la gestion et l’entretien des étang-réservoirs du gouvernement aux associations n’est pas sans créer de nouveaux problèmes car l’approche nie l’existence de structures de gestion de l’eau déjà existantes.

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