Les réformes du secteur de l’eau en Inde - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

Les réformes du secteur de l’eau en Inde

Auteurs : Philippe Cullet

Date : 2007

Extrait de «  Article extrait de Law, Land Use and the Environment. Afro-Indian Dialogues, Christoph Eberhard (dir.) »

Publié par Editions de l’Institut Français de Pondichéry

La réglementation de l’eau douce est de plus en plus importante en Inde au niveau national et des états. Cela est dû à divers facteurs. D’une part, il y a une pénurie croissante d’eau douce qui peut se manifester tant au niveau d’un village spécifique qu’au niveau national. Cette pénurie peut être absolue ou liée à une qualité de l’eau insuffisante pour la consommation ou à des règles niant l’accès à l’eau pour certaines personnes ou groupes de personnes. D’autre part, le droit positif de l’eau en Inde est caractérisé par son insuffisance et son manque de cohérence. Ainsi, alors qu’il existe un grand nombre de règles et de lois dans divers états réglementant en particulier l’utilisation de l’eau pour l’irrigation, il n’existe aucune loi sur l’eau au niveau d’états ou de l’Union qui offre un cadre général pour la conservation et l’utilisation durable de l’eau. Par ailleurs, le droit existant est constitué d’un grand nombre de principes et de lois concernant différentes catégories de ressources en eau. Ceux-ci coïncident parfois mais ils peuvent aussi être en opposition. Dans le cas des principes gouvernant l’accès aux eaux souterraines et des eaux de surface, il y a une opposition entre la reconnaissance par les tribunaux du principe selon lequel les eaux de surface sont un héritage commun et l’existence de règles qui offrent à chaque propriétaire terrien le contrôle des eaux souterraines situées sur leurs terres.

Ces problèmes sont liés en partie au fait que différentes règles qui n’étaient pas forcément conçues comme ayant un lien intrinsèque avec différentes utilisations de l’eau ont évolué au cours du temps. Ainsi, bien que le droit de l’eau a toujours été en évolution, le manque d’une perspective globale n’a pas permis l’émergence d’un droit universellement applicable à toutes les situations et prenant en compte les divers problèmes devant être réglementer.

Il est apparu au cours des trois dernières décennies que des réformes en profondeur du droit de l’eau étaient nécessaires. Cela est dû, par exemple à l’augmentation de la population et aux nouvelles technologies permettant aujourd’hui d’extraire l’eau souterraine avec des pompes mécaniques puissantes. Sur cette nécessité de réformer le droit de l’eau s’est greffée la nouvelle politique économique proposée d’abord au niveau international puis depuis quinze ans par le gouvernement indien. Ainsi, alors que la réforme du droit de l’eau est nécessaire, l’influence de la nouvelle politique économique et le manque d’une perspective sociale a rendu ces réformes très controversées.

Les réformes mises en place sont contestées parce qu’elles ne semblent pas répondre aux besoins réels de changements. Les réformes du droit de l’eau proposées sont basées sur un nombre limité de principes dont il est suggéré qu’ils constituent la solution appropriée pour tous les pays en développement. Elles mettent en avant le fait que l’eau doit être considérée comme un bien économique. Par ailleurs elles cherchent à forcer les individus à prendre des responsabilités de plus en plus importantes dans leur approvisionnement en eau sous couvert du principe de participation.

Différentes interventions ont été proposées. Premièrement, sur recommandation de diverses institutions internationales, plusieurs États (Andhra Pradesh, Maharashtra and Arunachal Pradesh) ont établi de nouvelles structures pour réglementer la gestion des ressources en eau. Ces nouvelles autorités sont censées reprendre une partie des fonctions de différents départements des gouvernements régionaux. Leur légitimité provient du fait qu’elles sont ‘indépendantes’ des administrations existantes. Ces autorités fonctionnent sur la base du principe de rentabilité et ont donc très peu de compétences au niveau des besoins sociaux en eau.

Deuxièmement, de nombreux États ont introduit des lois ou mesures similaires pour promouvoir la formation d’associations d’usagers. Ces structures sont censées donner aux usagers directs d’eau d’irrigation de surface un contrôle plus important sur l’eau qu’ils reçoivent. Cet effort de décentralisation et de participation est cependant limité. Ainsi, il ne donne pas aux agriculteurs de contrôle effectif sur l’eau d’irrigation mais leur impose de prendre en charge la gestion au niveau local des projets. Par ailleurs la ‘participation’ des agriculteurs signifie aussi un transfert des responsabilités financières du gouvernement vers les agriculteurs.

Troisièmement, l’accroissement massif de l’utilisation des eaux souterraines pour l’irrigation et autres usages a amené le gouvernement central à considérer la nécessité d’introduire une législation sur l’utilisation des eaux souterraines. Etant donné que la compétence pour légiférer se situe au niveau des Etats, le gouvernement fédéral n’a pas pu faire plus que de proposer une législation modèle. Cette législation proposée pour la première fois en 1970 a été actualisée plusieurs fois. C’est seulement au cours de la dernière décennie que quelques États ont adoptés des lois. Ces lois qui reflètent souvent la législation modèle limitent les droits des propriétaires terriens sur l’eau souterraine en imposant un système de permis. Ces mesures sont les bienvenues pour enrayer la surexploitation des eaux souterraines mais ne constitue pas une réponse effective aux problèmes posés. En effet, les mesures proposées déplacent simplement le contrôle d’un acteur à un autre mais ne prennent, par exemple, pas en compte la nécessité de donner une priorité effective aux besoins vitaux en eau potable.

Les réformes actuelles sont significatives. Elles vont redéfinir le cadre juridique du droit de l’eau pour les décennies à venir. Elles sont cependant insuffisantes parce qu’elles ne prennent pas en compte la totalité des questions qui se posent. En particulier, les réformes actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la priorité qui doit être accordée au droit de l’homme à l’eau et aux autres aspects sociaux de l’eau. Il est donc impératif de repenser les réformes actuelles pour faire en sorte qu’elles offrent des solutions non seulement du point de vue économique mais également du point de vue humain.

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