Libérons la biodiversité dans les fermes et les jardins - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

Libérons la biodiversité dans les fermes et les jardins

3° european seminar « Let’s liberate diversity » from 19, 20 of May in Halle/Saale in Germany

Guy Kastler, délégué général

2007

RESEAU SEMENCES PAYSANNES, France

La faillite des variétés « élites » de l’industrie. Dès 1945, les subsides du plan Marshall et la recherche publique ont commencé à remplacer la biodiversité paysanne par les variétés « élites » de la révolution verte. Avec elles, la débauche d’énergie fossile transformée en engrais chimiques, pesticides, mécanisation lourde et souvent irrigation illimitée indispensables à leur culture, a remplacé le travail des paysans poussés vers les usines puis vers le chômage. Les normes DHS du catalogue dictées par l’industrie semencière pour ses seuls besoins ont interdit les variétés traditionnelles en supprimant le droit des paysans d’échanger leurs semences. Les hybrides puis le COV1 ont remis eu cause le droit millénaire des paysans de ressemer le grain récolté. Aujourd’hui, les OGM et le brevet viennent achever cette mise sous dépendance. Et pour contourner le rejet des OGM, l’industrie prépare dans ses laboratoires des blés et des légumes mutés, nouveaux « OGM clandestins » non soumis à l’obligation d’étiquetage.

Ce système est aujourd’hui en faillite. L’Europe de l’Ouest est ravagée par la pollution et l’épuisement généralisés des eaux et des sols, les maladies induites par les pesticides et l’alimentation industrielle, la désertification des campagnes et la délocalisation des productions agricoles vers les pays moins disant socialement et écologiquement. En entrant dans cette Europe avec des millions de petits paysans, les pays de l’Est sont obligés d’abandonner en quelques années la majorité de leurs semences traditionnelles pour acheter les semences industrielles de l’ouest. Avec les semences traditionnelles, ce sont les paysans qui disparaissent, remplacés par quelques grandes sociétés agricoles anonymes vouées aux cultures industrielles d’exportations.

La renaissance des semences paysannes. Les agriculteurs biodynamiques ont compris les premiers au siècle dernier que le piège se refermait d’abord sur la semence. Ils ont conservé leurs variétés traditionnelles et les ont sélectionnées pour ne pas devenir dépendants de l’agriculture chimique. Puis, des centaines d’associations citoyennes et de jardiniers amateurs, accompagnées comme en Italie par certains gouvernements régionaux, ont conservé des milliers de variétés traditionnelles. Avec l’arrivée des premiers OGM, de nombreux paysans découvrent aujourd’hui qu’ils doivent s’engager dans la même démarche s’ils veulent garder leur autonomie. Dès 2003, plusieurs centaines d’entre eux se sont réunis à Auzeville en France et ont fondé le Réseau Semences Paysannes. Des organisations paysannes se sont joint aux artisans semenciers bio et aux jardiniers amateurs pour avancer ensemble tout en respectant le rythme et les spécificités de chacun : la force du Réseau est dans sa diversité et le respect des différences. La stratégie des firmes et les lois sont internationales, celle du Réseau aussi. En 2005, le premier séminaire « Libérons la Diversité » a réuni à Poitiers en France des centaines de délégués de presque tous les pays européens, mais aussi d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie grâce à la collaboration de GRAIN. En 2006, le Red de Semillas a accueilli le deuxième séminaire à Bullas en Espagne. Après le Sud, ce troisième séminaire s’ouvre aujourd’hui à Halle, au centre de l’Europe et tout près de l’Est, grâce à BUKO, à l’Association pour des semences libres d’OGM et au Forum Civique Européen. Le Rete Semi Rurali s’apprête à accueillir le quatrième en Italie en 2008. Ces moments de partages d’expérience ont fait naître des convictions communes :

1 - L’impossible coexistence avec les OGM. La coexistence est le cheval de Troie des contaminations et des cultures transgéniques. Avec elle, le seuil d’étiquetage de 0,9% devient un droit à contaminer. La résistance européenne est le dernier espoir des paysans du Sud qui s’opposent aux OGM : si l’Europe capitule et accepte la coexistence, leurs gouvernements seront eux aussi obligés de capituler.

2 - Interdire le brevet sur le vivant et le COV dans sa version de 1991. Prétendant qu’il s’agit d’un « patrimoine commun de l’Humanité », l’industrie s’est emparé de tout ce qui vit dans les champs des paysans, puis l’a protéger avec ses brevets et a interdit de ressemer le grain récolté. Depuis les accords de l’UPOV de 1991, le COV se transforme en brevet. Le commerce des semences ne peut pas rester totalement libre : il faut interdire les semences transgéniques ou mutées et contrôler le commerce des hybrides et des variétés trafiquées qui détruisent les variétés paysannes et traditionnelles. L’interdiction du COV dans sa version de 1991 et du brevet sur le vivant tariront les bénéfices de l’industrie.

3 - Les droits des paysans de conserver, ressemer et échanger leurs semences. Les semences de l’industrie sont sélectionnées pour lui permettre d’asservir les paysans. De plus en plus de paysans sélectionnent à nouveau eux-mêmes leurs propres variétés et pour cela ressèment une partie de leur récoltes et échangent leurs semences : pas par camions ou bateaux entiers comme l’industrie, des quantités restreintes et régulières suffisent. La loi européenne le leur interdit. La directive 98/95 sur les variétés de conservation aurait pu ouvrir un premier espace de liberté. Neuf ans après sa publication, le dernier projet du CPS les réduit à quelques antiquités exposées dans de petits musés régionaux en plein air : l’industrie veille toujours pour défendre son monopole. Le Réseau Semence Paysanne continue à construire ses propres règles d’échange et à les appliquer, qu’elles soient légales ou non : c’est encore le meilleur moyen de faire évoluer la loi dans les négociations officielles où les représentants des paysans sont toujours minoritaires.

Les paysans ne peuvent plus rien sélectionner à partir des variétés trafiquées de l’industrie. Avec parfois l’aide de la recherche publique, ils retrouvent les savoirs faire de leurs parents et leurs variétés traditionnelles pour co-évoluer à nouveau avec elles. Quelques unes sont encore cultivées, surtout des légumes et des fruits. En céréales, il n’y a presque plus rien. Les variétés traditionnelles collectées dans les champs des paysans ont été enfermées dans les collections « ex situ » où elles dépérissent car elles ne peuvent plus évoluer. La plupart d’entre elles auraient disparues sans cela, mais il est aujourd’hui urgent de les faire revivre dans les champs. Les paysans n’ont souvent plus accès à ces ressources génétiques réservées aux seuls semenciers et chercheurs, ils ne peuvent pas les échanger librement et les normes sanitaires ou de traçabilité leur interdisent peu à peu d’en ressemer la récolte.

Le TIRPAA reconnaît pourtant leurs droits de les conserver, de les ressemer, d’en échanger les semences, et de participer aux décisions nationales les concernant, mais ces droits restent soumis aux réglementations nationales. Ces droits doivent s’imposer aux législations nationales et européennes qui les nient.

4 - Les droits collectifs des paysans sur les ressources génétiques. Pour asseoir sa domination, l’industrie a décidé de contaminer avec ses OGM les centres d’origine des principales espèces qui nourrissent l’humanité : le maïs au Mexique, le riz en Asie, le blé en Irak. Ici à Gatersleben, elle organise la contamination des collections, ailleurs les états les laissent à l’abandon pour les réduire à des banque de gènes numérisées permettant, grâce aux techniques de sélection assistée par marqueur, de construire des chimères brevetées, assemblages instables de transgènes, de cellules fusionnées ou de gènes mutés. Pendant ce temps, Bill Gates s’apprête à enfermer les dernières d’entre elles dans un immense bunker souterrain. Les ressources génétiques sont d’abord le bien collectif des communautés humaines qui les ont sélectionnées et conservées et non la matière première des semenciers : elles doivent être sauvegardées, rester publiques et protégées des contaminations génétiques. Les paysans doivent avoir librement accès aux collections pour les réinstaller dans leurs champs avant qu’elles ne disparaissent. Pour protéger leurs variétés du bio piratage, les accords de Rio leur permettent d’en conditionner l’accès à leur consentement, ils peuvent aussi les décrire publiquement avec leurs propres critères, garder un caractère suffisamment informel à leurs échanges … et tout simplement construire au plus vite la souveraineté alimentaire des peuples.

Ces deux jours d’échanges s’ouvrent pour continuer et élargir ces réflexions, puis décider de nos actions futures : bon travail à toutes et à tous !

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