Karl Falkenberg:"Perspective européenne sur l’efficacité des ressources"
Karl Falkenberg, directeur général de la DG Environnement de la Commission européenne Director General of Directorate-General for the Environment, the European Commission
C’est un plaisir d’être là parmi vous. Je suis un Européen, comme vous le voyez, d’origine allemande. Alors je vais essayer d’apporter une vision de Bruxelles, de l’ensemble de l’Europe qui est bien entendu beaucoup plus que la France qui fait partie de cette Europe,une partie importante. Je pense que c’est l’ensemble de 28 Etats membres qui forme cette construction fascinante, qui, à mon avis, juste le titre qui vaut la peine d’obtenir le prix Nobel de la paix, parce que la paix dans ce petit bout de continent où nous avons réussi à maintenir depuis plus de 60 ans. Mais ce qui nous reste à faire, c’est de construire une paix sociale, une paix surtout environnementale.
L’emprunte environnementale de l’Europe pèse encore trop lourd sur la planète. C’est vrai pour l’Europe, c’est encore plus vrai aujourd’hui pour la Chine. En Europe, nous nous sommes donnés à un programme d’actions environnementales, nous voulons essayer de vivre bien mais dans les limites de cette planète. C’est un objectif ambitieux, nous voulons l’atteindre dans la perspective en 2050. Une perspective qui nous donnera une situation démographique encore plus difficile qu’aujourd’hui. Les scientifiques nous disent que nous serons 9 milliards d’être humaines sur la planète, aujourd’hui nous en sommes 7. Nous avons parcouru un chemin important, nous avons réussi à produire de plus en plus, dans beaucoup de domaines, nous allons économiquement beaucoup mieux aujourd’hui qu’il y a 40 ans. Donc quelque part ce que nous avons fait a été utile. Mais aujourd’hui nous commençons à avoir les coups que notre façon de produire et de consommer a entrainés pour notre planète bleue. Ce n’est pas simplement le changement climatique qui est en jeu, certes, c’est un défi important, et nous devons apprendre à produire de l’énergie dont nous avons tous besoin avec autres choses que le charbon et le pétrole. Nous savons que en brûlant ces matières fossiles, nous posons un problème sérieux dans note atmosphère qui va réchauffer cette planète de plus en plus avec toutes les conséquences que nous commençons à entrevoir.
Mais nous approchons les 100 milliards de tonnes de minerais que nous sortons du sol de cette planète. 100 milliards de tonnes de minerais chaque année. Nous savons que c’est intenable à terme. Et si nous voulons essayer de maintenir la façon dont nous produisons et dont nous consommons aujourd’hui, le niveau de vie dont nous bénéficions en Europe, si nous voulons promettre cela aux 9 milliards d’êtres humaines qui seront sur cette planète dans la perspective de 2050, et bien il nous faudra des ressources naturelles d’au moins deux planètes et demie. Nous vivrons au-dessus de nos moyens. Et nous le faisons collectivement, donc collectivement nous devons essayer de faire demi-tour. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de croissance, ce ne doit pas être nécessaire de dire que nous vivrons moins bien, nous pouvons coexister sur cette planète avec une vie confortable, nous connaissons les moyens pour cela, mais nous devons changer, et ce sera un changement fondamental. Nous ne pouvons pas continuer à polluer notre air, à polluer notre terre fertile, à polluer nos eaux. Nous savons dans la perspective de 2050, nous allons avoir un manque gros modo de 40% de disponibilité d’eau. Nous savons que les hommes ont besoin d’eau pour survivre. Nous savons que la façon dont nous produisons avec une utilisation énergétique, avec les ressources naturelles, nous ne pouvons pas tenir dans cette perspective, si nous voulons sortir les milliards de personnes qui vivent encore aujourd’hui en situation de pauvreté, veulent bénéficier d’une qualité de vie comparable à la nôtre.
Donc l’Europe s’est donnée un objectif ambitieux, et nous devons le partager avec tout le monde, c’est pour cela que l’Europe s’est engagée avec la Conférence de Rio 2012, a essayé de négocier au plan multilatéral des objectifs de développement durable, les objectifs qui seraient valables pour tout le monde. Aujourd’hui, cette négociation s’est engagée, nous avons 17 objectifs sur la table avec quelques 160 objectifs inférieurs inclus. Mais les négociations n’ont pas été abouties, et je ne suis pas convaincu si nous avons tous pris conscience de l’envergure de ce défi. Lorsque je regarde au plan du changement climatique, aujourd’hui on a beaucoup parlé de l’accord sino-américain, il est bien, c’est bien que cet accord soit intervenu, mais nous ne faisons pas l’erreur de croire que cet accord est à la hauteur du défi. Nous savons aujourd’hui par les scientifiques que nous devons aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite. J’ai une tout petite peur que, la Conférence de Paris aussi qui s’annonce comme étant probablement plus une réussite que celle de Copenhague, mais qu’aussi cette Conférence de Paris soit un succès trop tard et trop peu ambitieux. Nous savons que plus que nous attendons, plus le prix ne sera important pour essayer de faire demi-tour. Tout ce que nous envoyons dans l’atmosphère, mais également tout ce que nous polluons, ici là, dans nos villes, dans nos campagnes, toute la pollution de l’eau, toute la pollution de nos sols, la perte de notre biodiversité, tout cela va en s’accélérant et le prix pour essayer de le contrôler, de faire ce demi-tour, qui nous est imposé par la limite de notre planète, ce demi-tour sera de plus en plus cher.
Alors la coopération est essentielle, le dialogue s’impose, je pense qu’entre l’Europe et la Chine, il y a beaucoup de choses que nous pouvons comprendre, pouvons apprendre l’un de l’autre. La façon dont nous nous organisons en matière économique, environnementale, politique,j’ai entendu dire dans la première session de discours, que la question environnementale est une question éminemment politique, je ne peux qu’être d’accord avec cette déclaration, c’est nous, les citoyens de cette planète qui devrons assurer la façon dont nous voulons vivre, produire, consommer sur cette planète, et reste dans les limites planétaires. Aujourd’hui, comme je l’ai dit, nos empreintes vont beaucoup trop loin. Alors nous devons apprendre, nous n’avons pas toutes réponses aujourd’hui. Les réponses que l’Europe essaye de développer, c’est de ne plus travailler de façon linéaire - sortir la matière première de nos sols - produire et jeter à la fin de vie les produits dans des décharges. Nous devons essayer d’arriver vers l’économie circulaire à la fin de la vie d’un produit, ce produit doit être recyclé, doit redevenir la ressource naturelle pour la prochaine génération de produits.
Pour cela, nous devons réfléchir à comment produire, parce que plus on utilise des substances polluantes, toxiques, plus il sera difficile de recycler et de réutiliser une fois le produit plus intéressant pour le consommateur. Donc il y a là toute une réflexion, une nouvelles organisation, c’est une transformation fondamentale de la façon dont nous devons produire, elle sera économique, elle sera sociale, l’intérêt c’est que les seuls capables de permettre à 9 milliards d’hommes et de femmes de vivre avec une qualité raisonnable de vie sur cette planète. L’espoir de pouvoir cloner une planète et d’arriver à plus de ressource, restera sans réponse. Donc cette approche d’aller d’un commun accord vers quelque chose de nouveau nous est imposée. Et J’espère pouvoir travailler ensemble en dialoguant en apprenant.
La Chine aujourd’hui est le premier investisseur en énergie renouvelable, c’est la bonne nouvelle ; la mauvaise nouvelle, la Chine reste le premier investisseur en énergie polluante. C’est un peu ça le problème, le dilemme que nous avons, que nous avons en commun, nous devons changer, nous devons aller vers le nouveau, et nous devons arrêter le passé, mais le passé est tellement facile et attrayant. Lorsque les Etats Unis ont découvert le gaz de schiste, les nouvelles tentatives de continuer sur la même façon d’utiliser les énergies non renouvelables, parce que nous avons trouvé une nouvelle source. Je pense que parfois nous réagissons comme des drogués, nous avons besoin de cet énergie, et nous ne voulons pas comprendre que la meilleure façon pour nous tous de vivre sur cette planète, c’est en utiliser moins. Moins d’énergie, moins utilisation de ressources naturelles, mais de façon plus efficace, plus intelligente, permettront à tout le monde d’avoir un avenir sur cette planète. Je pense qu’ensemble nous pourrions lutter, travailler pour cet avenir plus durable. C’est la voie sur laquelle l’Europe s’est engagée, c’est la voie que nous poursuivons au niveau multilatéral aux Nations Unis, et c’est une voie que nous espérons pouvoir emprunter ensemble avec le partenaire chinois. Merci.
(D’après enregistrement)
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